Notes de Damien Schoëvaërt-Brossault

Maître de conférence, praticien hospitalier Université Paris Sud

Nathalie JUNOD PONSARD
REFUGE existentiel (Installation, Viry-Châtillon, 2011)
Waiting Area (Installation, Breuillet, 2011)
Dans le cadre de la Biennale la science de l’art en ESSONNE

Les installations lumineuses de Nathalie Junod Ponsard sont autant d’invitations, non pas à l’ivresse des reflets éphémères, mais aux effets pénétrant et durable de la lumière. En effet, la lumière agit sur le corps selon deux modalités sensorielles, la première saisissant la variation lumineuse comme signe d’une « présence devant soi », la deuxième s’attachant au fond permanent comme « présence en soi ». Si la première modalité (phasique) est le propos habituel du plasticien, la seconde modalité (tonique) n’a été que rarement exploré. Il est vrai, qu’il n’y a que peu de mot pour exprimer cet état de présence du fond lumineux en soi. Ainsi, dans l’installation Waiting Area, le visiteur immergé dans une lumière bleue, ressent avec un certain trouble les effets d’un fond intemporel et pénétrant dont il ne peut délimiter les contours. Le bleu se creuse en lui comme pour mieux recevoir les éclats d’une singularité qui n’est jamais donnée. L’immersion monochromatique de Nathalie Junod Ponsard en effaçant du visible la part lisible, est attente lumineuse « en soi » de ce qui peut apparaître « devant soi ». Les récepteurs de cette perception « non visuelle », ont été découverts récemment. Ainsi les cryptochromes, pigments photosensibles à la lumière bleue, repartis sous la peau, et la mélanopsine présentes dans les cellules ganglionnaires de la rétine, témoignent de perceptions qui pourraient jouer le rôle non seulement de mémoire photique mais aussi de fond révélateur aux formes lumineuses. Lorsque Nathalie Junod Ponsard parle justement de « seconde peau appliquée à l’espace », c’est que le bain prolongé de lumière travaille aussi au-dedans de la peau. Cette idée de corps habité de lumière prend un sens particulier dans l’installation Refuge existentiel, où le dedans illuminé fait signe à l’obscurité du dehors. Ce retournement projectif de la lumière, est au centre même da la question du regard. Car qu’est ce que voir, sinon de projeter à la place des objets des fantasmes colorés.

« Tout vient du fond et y retourne » note Jan Miro, il est vrai que la forme ne se donne qu’à l’instant éphémère. Le tissu neuronal, contrairement à l’idée communément partagée, ne conserve pas d’images « mentales » mais élabore sans cesse des formes qu’il projette sur le fond du dehors et du dedans. Le couple œil-cerveau n’est pas fait pour élaborer en nous des représentations, mais œuvré par la lumière il révèle la part visible « devant soi » et « en soi ». Chaque perception est présentation au monde, autrement dit invitation à être lumineusement présent au présent du monde. Aussi les projections tournantes du Refuge existentiel, de la lueur blanche, au faisceau éblouissant, où alternent visible et invisible, œuvre rythmiquement le regard sous fond de perte. Pour être présent à ce que nous révèle la lumière, il faut un fond d’absence qui ne soit pas l’obscurité absolue mais un fond lumineux immobile et pénétrant, c’est tout le travail que nous offre Nathalie Junod Ponsard.